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Non à la violence ! A la mémoire de Sami
1. Sami, 17 ans, poignardé dans un bus de banlieue Un adolescent a été tué d'un coup de couteau à Drancy (Seine-Saint-Denis) alors qu'il rentrait d'une soirée organisée pour le Téléthon. Cet élève de seconde est mort, victime d'une guerre entre bandes de jeunes à laquelle il était étranger. UNE NOUVELLE victime est venue s'ajouter ce week-end à la longue liste des adolescents tués aux quatre coins de la France. Après le meurtre de Sofiane, égorgé il y a quelques jours à Grenoble (Isère), et d'autres commis en novembre dernier à Sarcelles (Val-d'Oise), Evry (Essonne) et Marseille (Bouches-du-Rhône), c'est cette fois à Drancy, en banlieue nord de Paris, qu'un nouveau jeune est « tombé » pour des broutilles d'ados. Il était 22 h 40, vendredi soir, quand le destin de Sami, 17 ans, a basculé dans un bus de la RATP. Le garçon a été frappé d'un coup de couteau mortel sous l'épaule gauche. Deux heures auparavant, cet adolescent de la cité du Nord, à Drancy, avait assisté à une soirée organisée pour le Téléthon dans le centre-ville. Au gymnase Auguste-Delaune, plein à craquer, une vingtaine de copains parmi lesquels se trouve Sami croisent le chemin de jeunes de cités rivales de Drancy et de Bobigny. Un premier suspect interpellé Pendant que défilent les démonstrations de chant, de hip-hop et d'arts martiaux, les regards haineux font place aux invectives et aux provocations. « On aurait dit des bandes de jeunes coqs, se souvient Nadia, qui assistait au spectacle. A chaque fois qu'ils allaient se taper dessus, il y avait un jet de bombe lacrymogène et tout le monde reculait. L'un a même donné des coups de parapluie. » Vers 22 h 30, les deux groupes finissent par refluer du gymnase pour en découdre dans la rue. Assaillis, les jeunes de la cité du Nord montent à bord du bus 143, à la station Mairie- de-Drancy. Peine perdue : leurs « ennemis » débarquent en force et parviennent à bloquer le bus. L'un d'eux tire même deux coups de gomme-cogne (NDLR : un fusil à balles en caoutchouc) qui font éclater les vitres du 143. Sans que l'on sache comment, les assaillants réussissent à ouvrir les portes arrière et à les bloquer. Quelques-uns s'engouffrent à l'intérieur du véhicule. Acculé, Sami se réfugie à l'avant. C'est sous les yeux du machiniste, affolé et impuissant, qu'il reçoit un coup de couteau à l'aisselle. Malgré l'acharnement des secours, cet adolescent réputé sans histoires rend son dernier souffle à 23 h 30. Saisie dans la nuit, la police judiciaire de Seine-Saint-Denis a recueilli les premiers témoignages. Ils ont permis d'interpeller un premier suspect hier chez lui, dans un pavillon proche de la cité Gaston-Rouleau à Drancy. Agé de 17 ans, comme la victime, K. a été placé en garde à vue. S'il n'a pas avoué être l'auteur du coup fatal, de fortes présomptions pèsent sur lui. Il sera probablement déféré aujourd'hui ou demain matin au parquet de Bobigny. 2. Sami, poignardé dans le bus, voulait être pilote de chasse Le trafic des bus et du tramway Saint-Denis-Bobigny a été perturbé samedi et dimanche. Les chauffeurs exprimaient leur ras-le-bol de la violence. Sami était inconnu des services de police. Les cours à Eugène-Delacroix, son lycée, ont été suspendus samedi matin. C'EST UNE PETITE chambre toute simple, celle d'un adolescent sans histoire. Placée sur la commode, face au lit, une photo de lui renvoie l'image d'un garçon rêveur et sérieux. Sami, 17 ans et demi, un jeune Français aux origines métissées (algériennes et portugaises), nourrissait de beaux projets. Un coup de couteau gratuit, donné vendredi par un garçon du même âge que lui, en a décidé autrement. « Et tout ça pour quoi ? » Pour tous, la nouvelle de sa mort semblait hier encore irréelle. Sami faisait presque figure de miraculé. Il y a deux ans, une méningite l'avait plongé plus d'un mois dans le coma. « On était fous d'inquiétude », se souvient Karima, sa cousine de 26 ans, « mais il s'est battu et a réussi à échapper à la mort. Et tout ça pour quoi ? Pour mourir à cause d'un petit connard avec qui il n'avait rien à voir ? Dire que ce n'est même pas lui qui était visé », enrage-t-elle, les yeux voilés de larmes. Depuis qu'il était enfant, Sami caressait un rêve qu'il aurait peut-être réalisé avec Angélique, sa fiancée : devenir pilote de chasse. Au-dessus de son bureau, il avait punaisé un poster d'avion. « Il voulait rejoindre l'armée de l'air », raconte sa maman. « Il avait rendez-vous le 6 janvier pour une visite médicale. » « Lundi (NDLR : aujourd'hui), nous avions rendez-vous à Roissy, où je suis employée, pour tenter de lui trouver un petit boulot comme agent de sécurité, précise Karima. Travailler près des avions, il aurait adoré. » Sami sera enterré dans les prochains jours au cimetière musulman de Bobigny. D'ici là, ses proches et ses copains de classe du lycée Eugène-Delacroix prévoient une série d'actions pour honorer sa mémoire. Mohamed, son beau-père, croit en une marche « contre la violence ». « J'ai entendu que certains jeunes de la cité préparaient quelque chose ce soir (NDLR : hier soir). Je suis allé leur dire d'arrêter. Il n'aurait pas admis cette haine, car c'est ça qui l'a tué. Il a juste besoin qu'on prie pour lui. » « Les bandes, ça suffit ! », hurle presque son père, Djilali, 42 ans. « On vit dans un monde de fous, où on ne peut même plus prendre le bus. Toute cette violence n'a aucune raison d'être. » 3. 1 500 personnes ont rendu hommage à Sami SAMI N'ÉTAIT PAS seul, hier, à l'heure de rejoindre sa dernière demeure. Plus de 1 500 personnes se sont rendues avant midi au cimetière musulman de Bobigny pour rendre hommage à ce jeune de 17 ans, tué vendredi d'un coup de couteau gratuit à bord d'un bus de Drancy. Une heure plus tôt, un long cortège de douleur s'était ébranlé devant le lycée Eugène-Delacroix, où Sami était inscrit en seconde. Sous une pluie glaciale, élèves, profs et personnels de l'établissement ont marché dans un silence complet, avant de rejoindre la famille et tous ceux venus directement de la cité du Nord, où habitait le disparu. Aux portes du cimetière, au fin fond d'une zone industrielle sinistre, ils se sont massés derrière le corbillard, et l'ont suivi en empruntant le chemin boueux qui mène à la petite mosquée blanche. Des regards sombres, rougis ou éperdus, des mines tristes et fatiguées, ont assisté à l'éprouvante cérémonie. A 12 h 30, le cercueil en bois clair a disparu sous la terre, dans les soupirs et les pleurs. Sami, qui était très croyant, a été inhumé le corps tourné en direction de La Mecque, comme le veut le Coran. Djilali, le père de Sami, Maria, sa maman, Karim, son frère cadet, ainsi que tous ses proches, ont ensuite reçu les condoléances et les messages de sympathie. « Une immense dignité » Bouleversé comme les autres, Pierino Gasperi, le proviseur du lycée Delacroix de Drancy, a été également touché par l'attitude des élèves, « qui ont fait preuve d'une immense dignité ». « Une quête, réalisée par les lycéens, a permis de recueillir près de 9 000 F qui seront versés à la famille. » « Cet après-midi, les cours vont reprendre, sauf pour ceux de sa classe qui ne le souhaitent pas. C'est difficile mais il faut continuer : la vie doit triompher avant tout. » Sabrina ne connaissait Sami que vaguement. Mais en croisant le désespoir d'Angélique, la fiancée de Sami, les larmes ont perlé sur son joli minois. « Je suis vraiment touchée par leur douleur. Ce que la famille doit vivre en ce moment est insupportable. Cette vie foutue en l'air pour des histoires à la con, c'est » Aucun mot ne vient. Alors elle s'en va rejoindre l'un des cars affrétés par les mairies de Drancy et de Bobigny. La tête basse, comme les autres, elle lâche juste : « Vous savez, je n'oublierai jamais Sami, ni qu'il est mort pour rien. » |
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